#70ansLOSC… les souvenirs de Jean Lechantre

Dans le cadre de l'anniversaire #70AnsLOSC, nous avons voulu savoir à quoi ressemblait le club à ses débuts, en 1944. Nous avons posé la question à Jean Lechantre (92 ans), ancien Dogue et dernier représentant de cette fantastique génération.

Le mardi 25 novembre 2014 va marquer les 70 ans de la création du LOSC. Pour fêter cet anniversaire et jusqu'à cette date, LOSC.fr et LOSC TV revisitent l’histoire lilloise. Cette fois, nous avons voulu savoir à quoi ressemblait le club à ses débuts, en 1944. Nous n’avons pu poser la question qu’à une seule personne, Jean Lechantre (92 ans), ancien Dogue et dernier représentant de cette fantastique génération.

Il était "l’inter gauche", cet ailier de débordement ultra-technique par qui arrivait la plupart des offensives. Losciste de 1944 à 1952, Jean Lechantre a toujours eu le club lillois chevillé au cœur. Saviez-vous par exemple qu’il avait fêté son anniversaire de mariage avec sa femme dans les salons du Stade Grimonprez-Jooris, juste après l’ultime match de l’histoire de l’enceinte face à Bastia, le 15 mai 2004 ? Ce type d’anecdotes, il nous en a livré à la pelle. Entretien.

Jean Lechantre, bonjour. Vous avez été membre de la toute première équipe du LOSC. À quoi ressemblait le club en 1944 ?
Je jouais déjà à l’Olympique Lillois depuis tout jeune. Puis pendant la guerre, j’ai défendu les couleurs de l’équipe fédérale de Lille-Flandre (lors du championnat fédéral mis en place sous le régime de Vichy). À la libération, en 1944, c’est cette même équipe qui a été choisie pour composer les rangs du nouveau LOSC, suite à la fusion entre l’Olympique Lillois et le SC Fives. On a d’abord disputé des matchs amicaux contre des militaires anglais, puis on a débuté le championnat.

Finalement, qu’est-ce qui a plus changé en 70 ans ?
Sans hésiter, les terrains. Aujourd’hui, on dirait que les joueurs évoluent en pantoufles sur des billards, qu’ils chatouillent le ballon en se faisant de belles passes latérales. Nous, à l’époque, on ne pouvait pas, l’herbe était trop haute. L’hiver, on jouait même sur un champ de gadoue, on devait donc passer par les ailes. Et puis les arrières ne montaient pas comme aujourd’hui. Les centres, c’était l’affaire des inters, des ailiers, comme moi. Pour éviter que le ballon ne soit trop lourd ou ne colle trop, on mettait de la mine de plomb sur nos bottines.

Quel type de joueur étiez-vous ?
Un gaucher assez technique. J’avais pas mal d’armes pour passer l’arrière droit d’en face, qui était souvent une grande brute (sourire). À l’époque, l’ailier gauche était souvent un joueur bouche-trou, car il n’y avait pas grand monde qui voulait occuper ce poste. Je m’en suis donc sorti par mes qualités techniques, de dribble, de feintes et surtout de passeur.

Quelles étaient les valeurs de ce LOSC-là ?
On se connaissait parfaitement car il n’y avait que très peu de mouvements d’effectif chaque saison, mis à part le gardien qui changeait à chaque fois. Et puis nous étions une belle équipe de copains. Il existait un côté régional très fort. Devant, c’était Jean Baratte le buteur, associé à Bolek Tempowski en numéro 10, qui était toujours à l’affût pour marquer. Moi, mon rôle consistait à les alimenter. Notre équipe était surement la meilleure en France. Chaque année, nous terminions sur le podium, sans compter la Coupe de France (le LOSC l’a soulevée en 1946, 1947, 1948 et 1953). Partout où nous passions, c’était plein, on faisait recette.

Vous avez aussi été international à trois reprises, c’est bien ça ?
Oui, la première fois, c’était en 1947, en Angleterre (défaite 3-0 en match amical). J’ai ensuite été rappelé contre la Tchécoslovaquie (victoire 1-0 en 1949), puis dans la foulée contre la Yougoslavie (défaite 2-3) en barrage aller pour la Coupe du Monde. Après le match, un journaliste a demandé à Baratte quel joueur il préférait en position d’inter gauche. Il a répondu le Rennais Jean Grumellon, qui était pourtant un buteur, et non un passeur comme moi. Cela m’a déçu, car Jean, je le trouvais les yeux fermés sur le terrain. Quand j’ai appris ça, j’étais tellement énervé que j’ai envoyé un télégramme à la fédération pour annoncer que je ne pouvais pas me rendre à Belgrade pour le match retour, car ma femme était malade…

Vous avez finalement disputé l’intégralité de votre carrière dans des clubs de la métropole lilloise, puisqu’après le LOSC, vous avez rejoint Roubaix…
À 30 ans, j’ai été placé sur la liste des transferts. On voulait m’envoyer au Red Star. Mais j’avais ma maison ici, je ne voulais pas partir. Et puis je dirigeais un petit commerce de brosseries et de pinceaux avec mon frère. J’ai donc signé à Roubaix pour 3 millions de francs. Je suis resté trois ans avant de revenir au LOSC pour travailler au secrétariat. J’y ai d’ailleurs découvert que mon transfert n’avait toujours pas été payé par les dirigeants roubaisiens. Un beau jour, Jacques Delepaut, un joueur du CO Roubaix-Tourcoing a été transféré à Lille. Il représentait la contrevaleur de mon transfert. J’ai finalement été échangé…trois ans après mon arrivée (sourire).

Suivez-vous aujourd’hui encore les résultats du LOSC ?
Bien sûr. J’écoute d’ailleurs tous les matchs à la radio, avec Christian Palka aux commentaires. Vous savez, je suis né à Taintignies, à deux kilomètres à vol d’oiseau du Domaine de Luchin. J’ai d’ailleurs sûrement été le premier Belge de l’histoire du LOSC, bien que je fus naturalisé Français quand les Allemands ont quitté le pays.

Merci à Jean Lechantre pour sa disponibilité, mais aussi à Patrick Robert, le Président de LOSC Association et des Anciens Dogues, ainsi qu’à Jacques Verhaeghe, l’historien du LOSC.