Jérémy Pied devant, derrière, mais toujours au plancher

PAR MAXIME POUSSET (DANS LOSC IN THE CITY N°24, PARU EN FÉVRIER 2019)

Avouons que la tentation était forte de commencer cette interview par un jeu de mot avec le patronyme de Jérémy. Déjà vu, trop convenu, on a préféré rester sobre au moment de vous présenter le parcours de celui qui est devenu latéral droit sur le tard… au pied levé (désolé).

Salut Jérémy. Peux-tu nous expliquer comment tu es arrivé au football, toi le "montagnard"…

(sourire) J’ai grandi à Saint-Egrève, dans la banlieue de Grenoble, “dans la cuvette”, comme on dit là-bas. Mais paradoxalement, je n’ai jamais trop aimé le ski. Ma mère est aide-soignante et mon père électricien. J’ai un grand frère de deux ans mon aîné. En 1997, nos parents ont voulu nous faire faire du sport. Je n’avais pas de préférence, je voulais juste suivre mon frère qui partait sur le rugby. Mais au dernier moment il a changé pour le foot, alors je l’ai suivi. Je me débrouillais bien et au bout de deux ans, le papa d’un ami, qui était recruteur pour Grenoble, m’a proposé de venir. Mais c’était trop tôt. J’y suis finalement allé à 11 ans, en intégrant le sport-études du GF38, tout en rentrant chaque soir à la maison.


Grenoble, puis très vite, Lyon, à 14 ans, où tu franchis toutes les étapes au sein du centre de formation…

Oui, jusqu’à une saison pleine à 19 ans. Champion du CFA, capitaine, 10 buts et 10 passes décisives… Cette saison-là, Claude Puel, le coach des pros m’intègre à l’effectif pour me permettre d’apprendre. Je fais 7-8 bancs en Ligue 1 mais sans jamais entrer en jeu. Et la saison d’après, il accepte que je sois prêté pour avoir du temps de jeu. Metz (L2) est le premier à se positionner par l’intermédiaire de Joël Muller et Carlo Molinari. J’y vais sans hésiter et j’ai la chance d’y vivre une saison pleine (37 matchs) avec Yvon Pouliquen comme coach.


Tu reviens alors à l’OL, mais la concurrence y est rude. Comment l’as-tu gérée ?

Je suis allé voir Claude Puel pour savoir s’il comptait sur moi ou si je devais trouver un nouveau prêt. Il m’a dit qu’il ne savait pas, alors un jour, je suis allé lui serrer la main très fort en lui disant : “je vais vous montrer”. Et là, je marque but sur but à l’entraÎnement pendant toute la semaine alors qu’à la base je suis plutôt un passeur (il évoluait ailier). Blessés, suspendus… Je me retrouve titulaire contre Valenciennes. Sur un centre, tout le monde va au premier poteau, je me dis qu’avec ma taille je ne peux pas lutter alors je m’arrête au point de pénalty, Jimmy Briand centre en retrait, le ballon m’arrive dessus et je marque de la tête en pleine lucarne. On fait 1-1, je fais un excellent match. Le lendemain, le coach vient me voir, me casse l’épaule en me serrant la main (sourire) et me dit “c’est bien petit”. J’ai prolongé et j’ai joué à l’OL pendant 2 ans, gagnant deux titres, la Coupe de France puis le Trophée des Champions.

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En 2012, direction Nice où le coach se nomme… Claude Puel.

Ma première saison, je suis embêté par quelques pépins physiques. Je joue quand même 30 matchs mais en dents de scie. La saison suivante, je perds peu à peu la confiance du coach, on termine 17ème. Il me dit qu’il a déjà recruté pour l’année prochaine et que je dois partir. Je suis donc prêté à Guingamp pour une saison exceptionnelle. On termine 10ème, demi-finaliste de la Coupe de France et en 1/16èmes de l’Europa League. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai commencé à progresser défensivement, sous les ordres de Jocelyn Gourvennec, car notre système voulait qu’on sache défendre parfois à 5 ou 6. Très enrichissant car cela ne m’a pas empêché d’être décisif offensivement (4 buts et 11 passes décisives).


Retour à Nice avec à la clé, ce changement de poste totalement inattendu, n’est-ce pas ?

D’emblée, Claude Puel me dit qu’on change de système, passant à un milieu en losange et que du coup, il n’a plus besoin d’ailier. Je suis donc à nouveau sur le départ. Lors d’un match contre Caen, je sais que je suis 19ème homme, mais un joueur tombe malade dans la nuit à l’hôtel. Je suis donc sur le banc. Sauf qu’à l’échauffement, sur la dernière accélération, un coéquipier se blesse. Et là, j’apprends à 7 minutes du coup d’envoi que je vais jouer arrière droit dans une défense à 4, chose que je n’avais jamais connu auparavant ! Je fais une première période à l’arrache, je suis à bout de souffle mais je défends comme un chien et on gagne 2-1. Puis on enchaîne les victoires. Je m’éclate, je suis bien, j’ai Ben Arfa devant moi, Koziello et Seri pour combiner à côté et Baysse qui me couvre si je déborde. Je m’adapte et j’enchaîne une belle saison, le club finit 4ème et européen. 


Et puis c’est le grand saut : l’Angleterre. Une expérience que tu imaginais différente… 

Je suis en fin de contrat et Claude Puel, qui vient d’arriver à Southampton m’appelle. L’équipe est aussi qualifiée directement en Europa League, le coach me lance progressivement, je regarde, puis entre en jeu deux matchs et la semaine suivante, je me fais “les croisés” à l’entraînement. Gros coup dur. Le staff médical m’annonce saison terminée, mais je me bats et j’arrive à rejouer avant la fin de saison. L’année d’après, le coach change et je ne fais plus partie des plans. Mais je ne regrette pas cette expérience. J’ai appris l’anglais, ma fille est née là-bas, j’ai découvert une autre culture. Les gens me disent souvent que j’aurais dû rester en France, mais j’avais le rêve de jouer en Premier League. Je l’ai réalisé, tout simplement. Aujourd’hui, tout ce qui compte, c’est le LOSC. Je suis concentré sur l’avenir et sur cette belle saison que nous sommes en train de réaliser. 

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