L'interview

Élève infirmier, joueur au LOSC puis à Lorient, son nom c’est Delaplace

Au LOSC, il n’était pas le plus spectaculaire, ni même le plus décisif ou le plus exubérant. Et pourtant sur le terrain, Jonathan Delaplace était un Dogue, un vrai, accrocheur, combatif et souvent juste, donc précieux. Lillois entre 2013 et 2015, celui qui a terminé sa carrière du côté Lorient a l’été 2021 revient sur son parcours atypique qui l’a notamment vu passer d’un diplôme d’infirmer à la Champions League. Entretien avec le plus Lillois des Lorientais, avant le déplacement des Dogues chez les Merlus ce dimanche (13h).

Comment vas-tu, Jo ?

Eh bien écoute, très bien. J’ai arrêté le foot en 2021, sur un maintien en Ligue 1 avec le FC Lorient. Mon contrat se terminait et on ne m’a rien proposé d’intéressant pour continuer. Je mène aujourd’hui encore une réflexion sur mon avenir professionnel. Je vais peut-être me remettre à niveau pour pouvoir exercer en tant qu’infirmier, notamment dans le domaine du sport. J’aimerais faire aussi un peu d’immobilier. En attendant, je profite de ma vie de famille, je m’occupe de mes deux garçons de 8 et 5 ans. Je vis toujours dans le Morbihan. La qualité de vie y est très bonne : c’est calme, on peut profiter de la mer, de la campagne, il n’y a pas trop de monde et le climat est très ensoleillé.

Ton nom est pourtant réapparu cet été dans la rubrique transferts puisque tu as signé à l’US Montagnarde (N3), un club amateur situé à Inzinzac-Lochrist, près de Lorient. Le foot te manquait trop ?

Oui, on peut dire ça (sourire). Ce n’était pas vraiment prévu. J’avais toujours dit que le foot, c’était fini, que je ne reprendrais pas de licence amateure. Comme quoi, on peut toujours changer d’avis. Quelques clubs du coin m’ont contacté et le courant est bien passé avec le coach de « La Montagne ». Je n’avais entendu que de bons échos sur ce club et j’avais à cœur de retrouver l’ambiance de mes débuts, ce football amateur et familial. Je n’avais pourtant pas joué du tout pendant un an, même si je m’entretenais. Je m’étais notamment mis au CrossFit. Bon, malheureusement, je me suis blessé. Une entorse avec arrachement. Je suis en reprise, mais c’est long, je galère un peu. J’ai hâte de revenir et de donner un coup de main à mon équipe.

Delaplace
Jonathan Delaplace est depuis cet été un joueur de l'US Montagnarde, en N3

Revenons un peu sur ton parcours. Tu es originaire du Var. Tu commences le foot là-bas, et pourtant, à l’âge de 13 ans, tu te retrouves en Sport Etudes du côté de Lambersart. Comment expliques-tu cette trajectoire plutôt surprenante ?

Au collège, j’ai voulu faire Sport-Etudes. J’étais pris à Toulon, mais mes parents ne pouvaient pas m’y emmener chaque jour. Mon père, qui est d’origine nordiste, m’a donc proposé la solution d’intégrer un Sport-Etudes près de Lille et d’aller vivre chez papy et mamy, qui étaient alors basés alors à Bachy, pas loin du Domaine de Luchin, d’ailleurs. C’est un coin que je connais bien puisque j’y passais toutes mes vacances scolaires. J’ai été pris à Lambersart pendant 5 ans et parallèlement, j’avais été recruté par le RC Lens pour les matchs le week-end. Mais je n’y suis resté qu’une saison. Ils ne m’ont pas gardé. Je me souviens encore du jour où mes grands-parents ont reçu une lettre indiquant que j’étais trop petit et que physiquement, je ne passerais pas le cap pour devenir pro. Ça m’avait touché. J’ai donc continué le Sport-Etudes, mais en jouant alors pour l’Iris Club de Lambersart.

"Après le Sport-Etudes, je ne reçois aucune proposition pour signer pro. Mon père m’a donc demandé de revenir à la maison, de mettre le foot de côté et de passer le Bac. Dans ma tête, les rêves d’une carrière étaient terminés"

À l’issue de ta formation, tu décides pourtant de rentrer dans le sud et de mettre le foot de côté…

J’ai vécu une année de Terminale assez difficile. Mon grand-père est décédé, j’ai raté mon Bac et au niveau sportif, je n’ai reçu aucune proposition pour signer professionnel quelque part. Mon père m’a donc demandé de revenir à la maison, de mettre le foot de côté et de passer mon Bac. Il avait toujours été clair là-dessus : « OK pour le foot, mais l’école d’abord ». Ce que j’ai fait, en obtenant mon Bac S l’année d’après. J’ai donc continué de jouer, mais dans un petit club près de chez moi, le FC Belgentier, juste pour le seul plaisir du foot, car dans ma tête, les rêves d’une carrière professionnelle étaient malheureusement terminés.

Et finalement…

Un an après, le club d’Hyères, en CFA2 (N3) vient me chercher. J’accepte, mais je continue quand même mes études à travers une prépa’ pour passer le concours d’entrée à l’IFSI (école d’infirmiers). Je l’obtiens et je commence alors ma formation en parallèle aux 4 entrainements par semaine qu’imposait la CFA2. On arrive même à monter en CFA quand le club de Fréjus-Saint-Raphaël, dans la même division mais qui visait plus haut, me propose de le rejoindre. Son entraîneur, Guy David, me fait vraiment prendre conscience que je peux percer, que j’ai les qualités pour. Dans ma tête, c’est un déclic. On monte en National et en 2010, j’ai la chance de me voir offrir un contrat de footballeur professionnel à Zulte Waregem, en Belgique. Pour la petite histoire, j’ai obtenu mon diplôme d’infirmier une semaine avant de signer pro. Je l’ai donc validé, mais je n’ai jamais pu exercer. Je n’avais même pas pu aller chercher mon diplôme. Je viens seulement de le récupérer il y a quelques mois, plus de dix ans plus après !

Delaplace
Fréjus Saint-Raphaël, le club tremplin, qui lui a ouvert les portes d'un contrat pro en Belgique.

Trois saisons pleines en D1 belge (2010-2013) et c’est alors le LOSC qui vient frapper à ta porte. Tu découvres alors la Ligue 1. Comment vis tu cette période de ta vie ?

Je la vis très bien (sourire). Je profite du moment, de la chance que j’ai d’être là, dans un grand club français, avec de très grands joueurs à mes côtés. Me retrouver au LOSC est aussi un beau clin d’œil à mon grand-père, à mon père qui est né à Lille. Ma grand-mère était très heureuse et fière de me voir revenir. En termes de prestige, mes années au LOSC représentent clairement le sommet de ma carrière. J’ai eu la chance de vivre les tours préliminaires pour la Champions League (face à Zurich, puis Porto) et une campagne d’Europa League (Everton, Wolfsburg, Krasnodar).

Delaplace
A Zurich, Jonathan Delaplace, au milieu de Ronny Rodelin, Franck Béria, Florent Balmont et Sébastien Corchia, découvre le tour préliminaire de la Champions League.

À ce propos, quel est ton plus beau souvenir lillois ?

Je dirais mes trois buts inscrits en Ligue 1 sous ce maillot. Je n’en marque pas souvent, donc je m’en rappelle forcément. Un premier contre Lorient, un deuxième contre Nantes et le troisième face au PSG. Il y a aussi cette qualification pour le tour préliminaire de la Champions League au terme d’une victoire lors de la dernière journée sur le synthé de Lorient (4-1), la haie d’honneur des supporters à notre retour à l’aéroport de Lesquin…

 Justement, en parlant des supporters, tu as toujours été l’un de leurs chouchous. Tu avais même ta propre chanson au stade. Tu te souviens ?

Oui (il se marre) Bon, je ne pourrais plus te la chanter avec précision, mais je m’en rappelle. J’ai tout de suite eu de bons contacts avec les supporters lillois. Ils ont toujours eu des mots et des gestes bienveillants à mon égard. Même après mon départ du LOSC, lorsque je revenais avec Caen ou Lorient, ils se souvenaient de moi, ils m’acclamaient. Certains me disaient même qu’ils me regrettaient, qu’ils avaient apprécié ce que j’avais fait au Club. Ça, ça m’a vachement marqué.

Delaplace - Digne
Buteur face au PSG de Lucas Digne, le 10/05/2014 (1-3).

Tu enchaines par deux saisons et demie à Caen (2015-janv 2018), puis 3 et demie à Lorient (janv 2018-2021) où tu termines donc ta carrière à l’été 2021. Avec quel bilan lorsque tu portes un regard sur tout ça ?

Au niveau de mes performances, je pense que j’aurais pu, à un moment donné, franchir un cap si j’avais su me montrer un peu plus décisif. Mais vu mon parcours et le fait que je n’avais aucune garantie d’arriver à ce niveau-là, je n’en garde que du positif. Je retiens la chance que j’ai eu d’avoir pu faire de métier. J’ai toujours dû composer avec l’incertitude, avec des contrats de 2 ou 3 ans, sans jamais savoir de quoi l’avenir allait être fait, si ça allait durer. Alors j’étais content, je me donnais à fond en me disant que tout pouvait arriver et qu’il fallait profiter au maximum.

D’ailleurs, du haut de ton parcours, quel message adresserais-tu aujourd’hui à tous ces jeunes footballeurs qui ne sont pas conservés par leur club pro après avoir fait un centre de formation ?

De s’accrocher. Et si jamais le projet foot ne devait pas aboutir, de chercher quelque chose qui puisse les épanouir. Repartir dans la "vraie vie" n’est pas facile, surtout si tu n’es pas accompagné par ta famille, par tes proches. Mentalement, il faut être fort. Après, tu n’as pas le choix, tu dois avancer, il faut retrouver un sens, un projet, une passion, un objectif personnel. Car sans ça, on attend, on erre un peu, on ne sait pas ce qu’on va faire et finalement, on ne fait rien. C’est difficile car le football apporte tellement d’adrénaline.

Delaplace
2021 : Pendant que le LOSC file vers le titre de champion, Jonathan Delaplace achève sa carrière professionnelle, sur un maintien, à Lorient.

Revenons au ballon. Gardes-tu un œil sur la Ligue 1, le LOSC, mais aussi le FC Lorient ?

Pour être tout à fait honnête avec toi, l’année dernière, je n’ai rien suivi, ou de très loin, car mon fils de 8 ans est à fond dans le foot et voulait toujours qu’on regarde le multiplexe ensemble. Mais de mon côté, je ressentais vraiment le besoin de couper avec tout ça, de tourner la page. Cette année, je m’y intéresse un peu plus.

Que penses-tu des deux équipes ?

Le début de saison que réalise le FC Lorient est assez inédit dans l’Histoire du club. Ça engendre beaucoup de ferveur dans la région. Je ne le ressens pas personnellement car je suis loin de tout ça, mais les gens autour de moi me parlent d’une certaine effervescence. En ce qui concerne le LOSC, je pense que l’équipe va se battre pour les places européennes cette saison. Derrière le PSG, il y a peut-être l’OM, mais après, c’est très ouvert, ça va être serré entre des clubs comme Lyon, Lille, Nice, Monaco ou Lens, qui ont les moyens de jouer l’Europe ou qui proposent de belles choses.

Tu seras au stade dimanche ?

Oui. Avant même que tu m’appelles, j’avais promis à mon fils, qui est né à Lille, d’aller voir le match de dimanche au Moustoir. Il est à fond dans le foot et il veut être pro (sourire). Il est dans ses rêves d’enfant, il a même déjà imaginé son plan de carrière dans sa tête. Il va commencer à Lorient, puis jouer au LOSC, au PSG et à Chelsea. Bon, je lui ai dit que je lui souhaitais de tout cœur d’avoir ce parcours, hein (il se marre).

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